Vous connaissez le tétra (lyre) ?
- Clément JEAN
- 5 avr. 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 juin 2019
Un matin mon infirmier m'a raconté qu'un de ses patient, chasseur passionné, avait un tétra empaillé chez lui.
L'idée d'un vieux monsieur exhibant fièrement dans son salon un pauvre bougre, non seulement tétraplégique mais qui de surcroît termina plombé puis empaillé, me fit sourire.
J'appris alors sur le tard l'existence de cette espèce d'oiseau, symbole des Alpes, malheureusement menacée (contrairement au crétin des Alpes qui lui se porte bien).

Lorsqu'on pense liberté, évasion, aventure, il n'est pas rare d'y associer ce vieux rêve de l'Homme, aujourd’hui bien banal, celui de voler.
J'ai eu relativement tôt cette attirance pour les activités en lien avec la nature, et plus particulièrement celles consistant à s'approprier des espaces qui ne nous sont naturellement pas accessibles.
L'été de mes 20 ans, environ 1 an avant mon accident, je sautais le pas et commençais mon initiation au parapente.

Presque 7 années se sont écoulées lorsque j'écris cet article.
J'ai perdu des choses dans l'intervalle, et j'en ai gagné d'autres. Je ne suis plus exactement le même.
Mais cette soif d'étendre mes horizons, de bousculer les limites a persisté et s'est même probablement majorée avec mon handicap.
Yann, ami et moniteur de parapente, avait suite à mon accident rapidement passé la qualification permettant de faire voler en tandem les personnes en fauteuil.
Cependant les multiples projets à mener dans les suites ainsi que certains aléas météorologiques retardèrent notre envol.
En 2018, alors que j'était alité depuis plusieurs semaines pour un problème d'escarre, une idée mûrit peu à peu dans mon esprit : je volerai à nouveau.
J'avais besoin d'évasion, de quitter ce lit, cette immobilité pour de nouveaux horizons : je volerai à nouveau.
C'est durant l'été que nous avons pu tenter l'expérience.
Le rendez-vous était donné sur le site du Sapenay lors de la fête du club de parapente "entre ciel et terre". Julie, mon amie était elle aussi de la partie, c'était son premier baptême.
Un peu de monde pour aider au décollage, j'entend Yann dire "On y va" de son ton calme habituel, quelques pas d'élan et le sol qui s'éloigne doucement.
Enfin ! On y était, en l'air !
Plus de bitume, plus de marche, de trottoirs, de trou, de pente trop prononcée : je survolais tranquillement la forêt, bercé par le doux bruit du vent dans mes oreilles, savourant ce moment espiègle et complice.

Cet intense sentiment de liberté me guidait à pousser plus loin mes ambitions : je volerai à nouveau, mais seul.
Pourquoi seul ?
La dépendance est omniprésente pour une personne handicapée, à des degrés divers selon les cas et les périodes.
L'idée d'avoir un laps de temps en autonomie (en faisant bien sûr abstraction du côté logistique et décollage), flottant dans la masse d'air, libre, m'a fasciné.
J'ai passé des mois à labourer internet en quête d'informations, à visionner des centaines d'heures de vidéo de parapente sur youtube, profitant de ce "stand by" forcé dans ma vie pour nourrir ce projet.
J'ai été conforté par le fait qu'il y avait déjà eu des personnes tétraplégiques ayant volé en autonomie. Si ça avait été fait, c'est que c'était possible !
Quelques mois plus tard, on renouvelait (toujours avec Julie, elle aussi mordue par le phénomène) l'expérience du tandem à l'île de la Réunion.
Nous sommes passés par Addict parapente , dont le directeur a une grosse expérience du vol handi et qui a eu l'originalité de me proposer un vol sans le fauteuil : comme avant !

C'était parti, et l'association m'a encore une fois épaulé dans cette quête, finançant un fauteuil de vol, pierre angulaire du projet, fabriqué à Gap par la société Backbone.
Fauteuil que j'ai eu le privilège de vous présenter à l'Assemblée générale du 5 avril 2019 !

Encore une fois, et je ne le répéterai jamais assez, MERCI pour votre soutien, MERCI pour votre bienveillance et MERCI pour votre générosité.
Affaire à suivre ... ; )
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